gerard amate

dimanche 9 mai 2010


 

 

Le Prix Spécial des Polices du Même Nom

Gérard Amaté, poète anar

Cette année encore, je n'ai pas été sélectionné pour le Goncourt.
Je vais finir par en prendre l'habitude.
De toutes façons, je m'en fiche, j'ai mieux que ça, un prix moins tapageur et nettement plus élitiste.
C'est top secret, comme les services qui l'organisent : j'ai mes chances pour le Prix (spécial) des Polices (du même nom).
Autour de moi, personne n'ose y croire, mais ça fait longtemps que je me doute de quelque chose.
Lorsque mon livre est sorti (l'Affaire Colonna), j'ai tout de suite remarqué que mon nom, mon blog, avaient disparu des référencements Google.
Autrefois, je figurais en première page (quatrième position) à la requête "amate" (c'est mon nom).
Là, plus rien.
Plus de blog.
Disparu.
Les quarante premières pages du référencement, volatilisé.
Je me rencontrais parfois, rarement, mais c'était chez les autres.
Chez moi, plus rien.
Je n'existais plus. Il n'y avait plus de chez moi. Mon blog, mon joli blog, et son millier de visiteurs par semaine s'étaient dématérialisé, et dans mon for intérieur, je l'ai tout de suite su : les Polices (spéciales) m'avaient pré-sélectionné, j'allais peut-être avoir un prix.
Le coeur tremblant d'émotion, je me suis ouvert de mes folles espérances à mon entourage, des anarchistes chevronnés très au fait de ce qui peut ou pas intéresser les Polices.
Ils s'inquiétèrent pour ma santé mentale.
Comment pouvais-je, humble vermisseau, prétendre à de si flatteuses distinctions pour un ouvrage sans idées véritables?
Je sais, j'ai trop d'orgueil.
Parfois, je délire.
Mais justement, c'est à ça que ça sert, les amis, à revenir à la réalité quand on court le risque de s'en échapper.
Dans les jours qui suivirent, je vis qu'ils avaient raison : mon nom reparut peu à peu.
Oh, certes pas en première page, mais enfin pas trop loin, dans les dix premières.
Il fallait s'en convaincre, personne ne m'avait remarqué.
Au contraire, on m'avait oublié pendant que j'écrivais mon livre.
Je voulus connaître la profondeur du mal.
J'effectuai la requête "palindromes".
Autrefois, j'y figurais en position honnorable.
Pas aussi bien qu'avec la requête "amate" : palindromes est un nom commun, illustré de Pérec à Debord par d'éminentes personnalités, et en plus il y a un film qui porte ce titre.
J'avais mis du temps à percer, ça n'avait pas été facile.
Je n'attendais pas monts et merveilles de cette requête.
Or, qu'y vis-je, d'entrée?
Mon blog, tout en haut de la page, en deuxième position, juste derrière wikipedia, on ne pouvait pas faire mieux.
Alors (car j'ai du vice, voyez-vous, c'est là mon défaut), j'ai tapé "amate palindromes", où j'aurais dû, cette fois-ci, griller wikipedia.
Et là walou.
De nouveau, j'avais disparu : on n'arrivait plus à trouver le blog.
Cette fois-ci, je ne prévins pas mes amis.
Je préférai leur faire croire que ma crise de paranoïa se dissipait peu à peu.
(Il faut, chaque fois qu'on le peut, éviter de se retrouver en HP.)
Mais, dans le fond, j'avais repris espoir.
Cela ne dura guère.
Les semaines passèrent.
La situation se normalisa.
J'étais de retour en première page de Google, aux alentours de la dixième position, comme si on ne s'occupait plus de moi.
La presse ne signalait pas la parution de mon livre, les journalistes qui avaient promis de faire un papier s'étaient tous défilés, à la Fnac, sur Amazon, il fallait attendre une à quatre semaines pour avoir le bouquin alors que les autres c'était 24 heures.
Les signe d'un désintérêt général à l'égard de l'Affaire Colonna s'accumulaient.
Je finissais par me ranger à l'opinion de mes amis selon laquelle j'avais écrit un livre superflu, lorsque l'alim de mon portable passa de vie à trépas.
Ce fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase.
J'achetai de quoi me monter un PC, un vrai, pas un note book, c'est des trucs de loser.
Que je chargeai avec windows 7, la dernière version.
Et j'entreprends (c'était hier) de récupérer un à un l'essentiel de mes liens favoris.
Au moment où arrive le tour de mon blog, je tape "amate" (c'est moins long que "palindromes").
Et là, stupéfaction, rien.
Ni en première, ni en deuxième, ni en troisième page.
Je regarde mieux : en fait, je n'étais plus sur Google, j'étais revenu sur Bing (le remplaçant de MSN, le moteur de recherche de Windows, et qui n'a plus l'apparence d'une usine à gaz un soir de Mardi Gras, maintenant on peut le confondre avec quelque chose de pratiquable).
Et sur Bing-MSN, c'était comme aux plus beaux jours de la sortie du livre : je n'existais plus.
Vite, je revins sur Google, et là, pas de problème ; j'étais là.
Je ne voudrais pas évoquer inutilement les mânes de Jacques Lacan, mais chacun aura reconnu l'expérience du for-da qu'il rappelle au début des Ecrits, et qui serait à la base de la pensée symbolique, c'est-à-dire de tout langage : j'y suis, j'y suis pas.
Elle procure à bébé toutes ses émotions alternativement heureuses et malheureuses (et par la suite, quand il grandit, c'est la même chose, surtout avec les mecs et les gonzesses qu'il fréquente).
Après quelques secondes de ce jeu passionnant, j'avisai que j'étais sur Google web (c'est automatique), et pas sur Google France (qu'on peut choisir à la place).
Je cliquais donc pour établir une requête "amate" sur Google France et là, j'eus la satisfaction de voir que c'était comme avec Bing : rien du tout.
c'était donc là le secret.
En fait, je n'étais nullement tombé en disgrâce.
Seul Google international me reconnaissait, donnant ainsi l'illusion d'une négligence à mon égard.
A Google France, on ne m'avait pas oublié : j'étais toujours le chouchou des lardus.
Il en allait de même sur Yahoo : j'étais présent sur la planète, mais fort heureusement invisible depuis la mère-patrie.
AOL et Voila ne faisaient pas la différence entre la France et l'étranger : je figurais en première page.
Orange non plus ne faisait pas de différence, mais devinez quoi, j'y étais ou pas?
Cherchez vous-même, je vous laisse la surprise.
Aujourd'hui, je ne doute plus.
J'ai bel et bien été sélectionné par les Polices.
Et ce prix, c'est moi qui vais l'avoir.
Je regarde la concurrence : je n'en ai pas.
Pendant plusieurs semaines, j'ai été en tête des ventes des essais politiques à la Fnac, (en dépit des petits handicaps que je vous ai dit, et qui vont de soi : il fallait bien équilibrer les chances de tout le monde, sinon, que serait-il resté aux autres?)
Déjà, implicitement, la grande distribution avait voté pour moi : elle m'avait pratiquement mis hors concours.
La presse était unanime (sauf en Corse, pour d'évidentes raison) : même le localier de mon quartier, à Lyon, avait renoncé à faire un article lorsqu'il avait su le sujet du livre.
Sur le conseil, m'avait-il précisé, d'un sien ami général de gendarmerie (le localier est lui-même un ancien gendarme).
Ce qui renforce mes certitudes.
D'évidence, j'ai fortement impressionné les cognes-jurés.
Je serai cet année le lauréat du Prix Spécial des Polices du Même Nom, que ça vous plaise ou non.
Je sais, c'est injuste pour les autres.
Il y en a tant qui l'auraient mérité plus que moi, surtout parmi les anarchistes et les révolutionnaires, tant de grands subversifs dont l'Histoire retiendra les noms.
Je sais, je ne mérite pas de leur passer devant dans la voie des honneurs.
Mais il faut savoir saisir sa chance lorsqu'elle se présente.
Je ne vais tout de même pas bouder mon plaisir.






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Gérard Amaté : "Le procès en appel a été indigne de la République"

Gérard Amaté, libraire à Lyon et révolté par le procès Colonna...
Au dos du livre, la biographie de l'auteur : « Gérard Amaté n'aime pas l'état. Il est libraire à Lyon ». Impossible de brosser un portrait plus laconique que ça, mais il est suffisamment révélateur de ce qu'on va découvrir à l'intérieur : une analyse comparée, et surprenante par moments, des chroniques judiciaires de la presse nationale sur le procès en appel d'Yvan Colonna, condamné le 27 mars dernier à la réclusion criminelle à perpétuité. Puisqu'il prend lui-même parti, on peut considérer qu'il est de parti pris. Mais l'éclairage est assez pertinent pour en savoir un peu plus...
-- Qu'espériez-vous démontrer en disséquant ainsi le comportement de la presse nationale vis-à-vis du procès Colonna ?
-- J'avais été choqué qu'on condamne Yvan Colonna, non seulement sans preuve et sans aveux, mais contre l'avis des experts, et contre les dépositions des témoins directs du crime. C'était un déni de justice. J'ai été scandalisé qu'une presse de gauche s'emploie à favoriser cette condamnation, décidée sans justification légitime. C'était mépriser le principe démocratique d'une justice égale pour tous et indépendante du pouvoir exécutif. Comme beaucoup de mes amis de gauche n'avaient pas remarqué ce scandale, j'ai tenté de le leur montrer.
-- Et comment expliquez-vous ce paradoxe d'une presse de gauche favorable à l'accusation et d'une presse de droite nettement plus critique ?
-- C'est sous le gouvernement Jospin que l'instruction de l'affaire Erignac a eu lieu, désignant Yvan Colonna comme l'assassin. Aussi a-t-on encore vu cette année l'ex-ministre de l'Intérieur, Jean-Pierre Chevènement, et l'ex-premier secrétaire du PS, François Hollande, exprimer leur certitude d'une culpabilité de l'accusé. Ils justifiaient ainsi leur activité passée. Les journaux liés au PS ont fait de même, avec une hargne d'autant plus forte que l'enquête et l'instruction de cette affaire s'avéraient avoir été désastreuses, même à leurs propres yeux.
La presse de droite s'est comportée plus sereinement et plus honnêtement. J'ai tendance à croire que la dictature du politiquement correct y est moins forte qu'à gauche.
-- De la part de certains chroniqueurs judiciaires, c'était de la mauvaise foi ou un manque de discernement ?
-- Il y a eu, c'est certain, un manque de discernement, de la paresse intellectuelle et de la lâcheté à laisser condamner Colonna sans rien dire. Mais dans le cas de Libération, par exemple, c'est très nettement du parti pris, celui de la raison d'état.
-- Quel est l'organe de presse qui, en définitive, a été le plus objectif à vos yeux ?
-- Le travail de Stéphane Durand-Souffland, au Figaro, a été largement qualifié d'exemplaire.
-- Vous-même, faites-vous vraiment preuve d'objectivité ?
-- Le sujet de ce livre obligeait à l'objectivité, puisqu'il s'appuie sur les articles divergents et parfois contradictoires des journalistes qui assistaient au procès en appel. Leurs points de vue et leurs arguments sont rapportés. La confrontation est souvent cruelle pour les anti-Colonna, mais je n'ai rien inventé, ni rien omis d'essentiel. Ceci dit, mes propres opinions sont clairement affichées.
-- Vous ne devez pas trop miser sur la promotion de votre livre dans la presse nationale...
-- A priori non, et même de la part des journaux dont ce livre salue le travail, car il en attaque trop d'autres, ce qui est gênant pour ceux qui aimeraient le défendre. Mais on ne sait jamais...
-- Quelles chances a, selon vous, Yvan Colonna d'obtenir gain de cause en Cassation et devant la Cour européenne des Droits de l'Homme ?
-- Ses avocats pensent avoir toutes les chances de leur côté devant la Cour européenne. Ils sont moins sûrs de leur fait en ce qui concerne la Cour de Cassation, mais attendent qu'elle ait pris sa décision pour, éventuellement saisir la Cour européenne.
-- Quels sont vos rapports personnels à la Corse ?
-- Strictement aucun ! Je n'y ai même jamais mis les pieds, ce que je déplore puisque la réputation de beauté de l'île n'est plus à faire. C'est en qualité de citoyen français que le procès Colonna m'a révolté. Je l'ai trouvé indigne de la République.
-- Pourquoi mettre en exergue en couverture le fait que vous n'aimez pas l'État ?
-- L'état n'est légitime que s'il respecte les libertés individuelles, parmi lesquelles le droit à une justice équitable. S'il y manque, il est haïssable. Et dans cette affaire, il y a manqué.

Propos Recueillis Par Jean-marc Raffaelli

(1) L'Affaire Colonna. Une Bataille de Presse. éditions Jean-Paul Bayol. 154 pages. 14,90.


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Claude Erignac, 15 Janvier 1998, 21 jours avant...




Le soir du drame

 

Ce vendredi 6 février 1998, à Ajaccio, Dominique Erignac, 55 ans, se sent fatiguée. Après le dîner, elle veut goûter le calme du petit salon, dans ce palais Lantivy, un peu délabré, siège de la préfecture. Elle et son mari, le préfet Claude Erignac, partagent une même passion pour la peinture, la musique, le théâtre. Ils se sont abonnés à l'association « Musique en Corse » qui les invite, ce soir, à écouter La symphonie héroïque de Beethoven au théâtre municipal. L'occasion n'est pas si fréquente, en hiver, sur l'île de Beauté... Alors Dominique se laisse convaincre. Elle sait combien il est important pour Claude de sortir des « grilles » de la préfecture, de serrer des mains, d'engager un brin de conversation à l'issue d'un spectacle.

La Safrane quitte le palais Lantivy peu avant 21 heures. Claude Erignac est au volant. Le préfet n'a pas de chauffeur. Il n'en veut pas en dehors des heures de « représentation ». Il ne souhaite pas non plus de garde du corps. Quels que soient les risques, il entend mener la vie d'un citoyen ordinaire. Ce protestant cévenol natif de Mende (Lozère) a représenté successivement l'Etat dans le Gers, en Meurthe-et-Moselle et dans les Yvelines. La Corse, il ne l'a pas choisie. Mais il a accepté sa nomination avec courage. Quand il devient le préfet de la région Corse, en janvier 1996, il ne se dérobe pas à sa charge. Il la redoute, car il la sait parmi les plus lourdes. 

Depuis 1975, l'île est plongée dans la violence, pour des raisons tant « nationalistes » que mafieuses. Huit membres des forces de l'ordre et un fonctionnaire ont été assassinés dans les années 1980. La décennie suivante, le nombre des victimes ne cesse de croître : jusqu'à une quarantaine par an ! Plusieurs élus sont tués. Lorsque le gouvernement Rocard (1988-1991) soumet un projet de statut pour la Corse, en 1990, le Front national de libération de la Corse, mouvement clandestin, se scinde en un « FLNC-canal habituel », et un « FLNC-canal historique », plus radical.

« La Corse est un département comme un autre et je serai un préfet comme un autre », affirme cependant Claude Erignac, à son arrivée sur l'île. Cette année-là, les « cagoulés » du Canal historique sortent du maquis. Ils décrètent une trêve en échange du statut d'interlocuteurs privilégiés auprès du ministre de l'Intérieur, Jean-Louis Debré. Sur le terrain, le nouveau préfet entend appliquer la loi républicaine. Il dit non aux permis de construire suspects, non aux transgressions du code des marchés publics, non aux manipulations des listes électorales... Dans un environnement où le clientélisme parasite la démocratie, sa rigueur lui attire des inimitiés. Le 26 janvier 1998, le FLNC annonce la fin de la trêve...

En ce 6 février, dans la voiture qui l'emmène au théâtre municipal, Dominique Erignac se sent lasse de cette île où « tout est si compliqué. Depuis deux ans qu'elle habite la Corse, elle n'a pu nouer aucune amitié solide. Elle se sent seule. Ses enfants étudient à Paris. Elle attend impatiemment la nouvelle affectation de son mari, avant la fin de l'année.

Claude dépose sa femme en toute hâte devant le théâtre, et va garer la voiture un peu plus loin, cours Napoléon. Dominique s'installe à l'orchestre, au milieu du quinzième rang. L'Orchestre d'Avignon entame les premières notes. A côté d'elle, la place reste vide. « S'est-il installé plus loin pour ne pas déranger ? » se demande-t-elle. Près d'une demi-heure se passe. Elle perçoit une agitation dans l'allée centrale. La porte du fond s'ouvre à plusieurs reprises. « Que fait ici le secrétaire général, Didier Vinolas ? » 

Une force l'empêche de bouger. Comme si elle ne voulait pas savoir. Elle finit par se lever, dans l'obscurité. Dehors, Didier Vinolas la fait monter dans une voiture qui la ramène au palais Lantivy. « Il est arrivé un accident grave à votre mari », lui dit-il en chemin. Elle a compris. Le commissaire de police qui l'accompagne aussi lui donne un calmant. Elle se sent incapable de pleurer....




                                          Le berger et le préfet


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